Tout était noir, pourtant Gaara avait les yeux bien ouverts.  Les cris de détresse et les supplications qu'il entendait lui parvenaient étouffés et indistincts. Pourtant il sentait très bien la chaleur du corps des deux individus qui se débattaient à quelques centimètres du bout de ses doigts. Leurs cœurs battaient la chamade et la peur qu'ils éprouvaient éveillait dans l'esprit de l'ex-jinchuuriki une excitation qu'il ne se croyait plus capable de connaître. Gaara ne voyait toujours  rien mais il savait que les deux sunajins étaient dans l'étreinte de son sable.

~ Qu'est-ce qui se passe?

Il tenta de parler mais seul un souffle haletant s'échappa de sa bouche. En fait il ne désirait pas réellement connaître la raison pour laquelle l'homme et la femme étaient sous son emprise. Il se souciait même assez peu de sa cécité inexpliquée.

- Tu sais ce dont tu as vraiment envie. Prend les tous les deux!

La voix du démon se mélangeait à ses propres pensées. Gaara se laissa envahir par ses pulsions. Il ferma ses deux mains lentement.

- Sabaku Sōsō!

Le son des os qui craquent sous la pression du sable ne dura qu'un instant. Le sang jaillit en grosses gouttes sur le visage du shinobi du désert. Il sourit, ressentant une quiétude qui lui avait été inaccessible durant des années.
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Les yeux de Gaara s'adaptèrent rapidement à la pénombre, sa vision ayant été restaurée sans qu'il s'en aperçoive.  Allongé sur son lit, les poings serrés, il se laissait bercer par le son des grains de sable frottant les uns contre les autres, complètement indifférent à la scène qui venait de se produire.  La sensation d'apaisement qui l'habitait fut ce qui le tira de sa torpeur.

En un instant, le Kazekage se tenait sur ses pieds. Le sable, qui jusque-là errait dans la chambre autour de lui,  s'écrasa subitement au sol. La brise froide qui vint caresser les cheveux du jeune sunajin attira son attention. Il se retourna lentement,  balayant du regard la pièce où il se trouvait jusqu'à ce qu'il fût face à la fenêtre ouverte de sa chambre.  Un disque argenté se refléta dans les yeux grands ouverts de Gaara. À la vue de la pleine lune, son sang se glaça.

~ Comment ai-je pu être assez inconscient pour succomber au sommeil!  Une nuit comme celle-ci, où l'influence de Shukaku est à son paroxysme. Il aurait pu dévorer mon esprit en entier.

Submergé par un mélange de peur et de colère, complètement en proie à son délire, Gaara ne remarqua pas l'absence de corps ou de sang alors qu'il traversait sa chambre jusqu'à la porte.

- Parfait. Nous allons trouver d'autres proies?

- Non!

L'ancien jinchuuriki du démon à une queue craignait de perdre ce qui lui restait de lucidité. Il devait s'éloigner du village au plus vite ou risquer de faire d'avantage de victimes.

Même à cette heure tardive, Gaara croisa quelques gardes dans les couloirs. Ceux-ci saluèrent leur supérieur qui leur répondit d'un rapide mouvement de la tête. À chaque individu qu'il croisait, le Kazekage était inondé de pensées et d'images.  Pourquoi le regardaient-ils ainsi? De la haine? Du dégoût? De la peur? Celui-là mériterait la mort. Le sang de celle-ci se mélangerait bien à son sable. Les suggestions de Shukaku ne faisaient que s'intensifier. Malgré l'extérieur calme qu'il affichait, l'esprit de Gaara était en émoi. Il lui fallait s'isoler au plus vite.

Une fois à l'extérieur du bâtiment, Gaara profita d'un instant de répit dans les rues presque désertes de Sunagakure. À cette heure, s'il évitait de passer devant les bars, il ne devrait croiser que peu de gens. Empruntant les chemins les plus isolés le shinobi se dirigeait vers le seul passage qui permettait de sortir du village. Chacun de ses pas le rapprochait lentement du désert, alors qu'il marchait sous le regard impitoyable de l'astre lunaire.

Toujours hanté par le spectre de Shukaku, l'ancien jinchuuriki faisait route vers l'ouverture unique de la muraille qui lui donnerait accès aux étendues désertiques où il pourrait s'isoler. Rappelant un Gaara d'une époque passée, ses vêtements noirs se composaient d'un pantalon léger et d'un chandail court par-dessus lequel passait le harnais qui retenait sa gourde de sable sur son dos. Les deux sentinelles à l'entrée du village affichèrent un air perplexe lorsqu'elles aperçurent leur Kazekage, le regard agité, avançant vers eux d'un pas légèrement saccadé. Les gardes saluèrent et s'écartèrent lentement pour le laisser passer.

- Détruisons-les! Leur respect pour toi n'est qu'une façade, et ton respect pour eux l'est encore davantage. Tu peux sentir leur peur n'est-ce pas?

Gaara se prit la tête de la main gauche, s'efforçant de garder le contrôle de ses actions. Masquant du mieux qu'il le pouvait son tourment intérieur, le sunajin s'engagea dans le passage à travers la muraille. Il atteignit enfin le désert et put abandonner toute prétention. Son sang bouillait dans ses veines alors qu'une rage s'emparait de son esprit. Tout en continuant à lutter contre sa folie, il s'éloigna du village.

- Tu n'es pas réel. Le démon n'est plus dans mon corps depuis des années. Tu n'es qu'un produit de mon imagination.

Entretenant un dialogue avec lui-même, Gaara s'enfonçait de plus en plus à travers les dunes. Dans des circonstances normales, le Kazekage aurait depuis longtemps remarqué la présence de la jeune kunoichi qui le suivait, mais sa concentration se retrouvait totalement accaparée par le fantôme de Shukaku.

- J'ai simplement besoin d'un peu de calme, d'isolement et de repos. Ensuite tu disparaîtras.

- Dans ce cas tu n'as qu'à aller dormir. Laisse le sommeil effacer tes problèmes.

Gaara s'arrêta instantanément. Les paroles de Shukaku lui glacèrent le sang. Il savait que le démon n'était plus à l'intérieur de lui. Il ne pouvait pas l'être. Baignant dans la lumière froide de la pleine lune luisant au-dessus de lui, l'ex jinchuuriki fut envahi par le doute. Et s'il restait une partie du monstre en lui? Il s'agissait d'une ruse. Dormir, le Kazekage ne le pouvait pas, en aucun moment et surtout pas aujourd'hui. Son existence ne serait pas subjuguée par celle du tanuki.

C'est durant ce moment de confusion que Gaara repéra la présence qui était dissimulée non loin de lui. Le chakra de la chuunin lui remémora l'époque où celle-ci l'avait espionné sous les ordres de son père. La situation familière fut le catalyseur qui le précipita dans son délire. Gaara utilisa la même phrase qu'il avait prononcée à l'époque.

- Je sais que tu es là. Montre-toi.

Son sable senseur lui avait déjà révélé la position exacte de Miyake.

- Tu ne mettras pas fin à mon existence!

Convaincu qu'elle était un assassin envoyé par le yondaime Kazekage, Gaara attaqua précipitamment, faisant jaillir un tentacule de sable de chaque côté de la kunoichi, qui se jetèrent sur elle avec une vitesse foudroyante pour la saisir.

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