Hozier - We are young ♫

Deux années, c'était long. Trop long même sûrement. J'avais passé mon existence dans l'attente perpétuelle d'atteindre un but particulier, et entre ces buts, je n'avais fais que m'entraîner pour acquérir plus de puissance, il m'en fallait toujours plus pour ne plus subir ce sentiment atroce d'impuissance. Je n'avais que trop souvent été accablé par cette sensation désagréable qui me ramenait à une condition d'homme misérable, rabaissant l'auguste personne que je pouvais être. M'entraîner, voilà quelque chose que je faisais toujours mais en bien moins intense qu'auparavant. Je ne passais plus la totalité de mes journées à peaufiner mes techniques et mes stratégies de combat, ce temps était loin derrière moi. Lorsque la haine s'envole et que la liberté s'installe, d'autres priorités entrent en jeu et la paisible vie que m'offrait la discrétion m'apportait également des moments inespérés. Ces deux années d'absence je les avais passé en compagnie de Nëssa et de Madara. Bien que la deuxième personne soit vraiment secondaire dans mon existence et mon quotidien, ce n'était pas le cas de la première, loin de là. Nëssa était l'importance de mon retrait, sûrement la seule personne qui arrivait à s'attirer mes louanges depuis mon adieu fraternel. Cette mère de remplacement perfectionnait toujours ce lien et cet attachement qui nous liait. C'était peu explicable malgré les adjectifs positifs pouvant la qualifier. Disons qu'elle avait une importance pour moi, une force abusive sur mes pensées et l'art de parfumer cette liberté s'ouvrant à moi. Et c'est lors de ces instants de tranquillité que je pouvais m'adonner à ces journées, à ces balades, à ces moments complices que parfaisaient le quotidien des personnes lambda qui, parfois, semblaient bien plus chanceuses.

C'est accompagné de la belle aux cheveux d'argent que j'entrais au sein du Pays de l'Herbe. Caché sous ma capuche pour garder un anonymat correct, je marchais lentement à ses côtés. N'essayant d'éveiller aucun soupçon, mon habitude prudente et méfiante me forçait à garder un œil et une oreille avisé sur tout ce qui nous entourait. Malgré la présence de la douce Nëssa, j'avais ce visage assez détaché et froid, aiguisant mes sens pour surveiller l'environnement. Nous nous dirigions vers un supermarché, tout ce qu'il y avait de plus banal. Entraîné par la gente dame, j'avais été pris au piège et elle m'avait forcé à l'accompagner. Prévoyant une surprise pour son bien-aimé, nous partions acheter quelques provisions et personne ne savait vraiment où elle comptait me traîner tout au long de cette journée. Moi-même encore un peu étonné d'être présent, la pensée me traversa l'esprit de nouveau alors que l'interrogation sincère se lisait sur mon visage je ne pus m'empêcher de délier mes lèvres.

« Tu me rappelles ce que je fais là déjà ? »

Pourquoi avais-je accepté une telle chose ? Comment avait-elle réussi à me convaincre ? Je n'avais pas la réponse à ses questions mais il m'était bien légitime d'y penser. Ma simple réponse venait simplement du fait que je le faisais pour elle. Simplement pour sa joie et son sourire. Cela ne me ressemblait tellement pas et pourtant Nëssa avait ce pouvoir sur moi, cette force attractive qu'elle arrivait à me faire faire un peu n'importe quoi. Tellement que je me retrouvais à faire des courses pour Madara alors qu'il me semblait presque évident qu'il n'esquisserait pas l'once d'un faible sourire sur son visage encore plus dur et froid que le mien. C'était sûrement une caractéristique des Uchiha, avoir ce visage marqué par notre malédiction. Seul Itachi m'était déjà apparu le visage clairvoyant et souriant. Stupide nostalgie.

Je rabaissais un peu ma capuche, prévoyant et prenant les précautions nécessaires pour qu'on ne puisse voir mon visage. Nous faisions un duo bien étrange il fallait avouer. Bien que je sois d'une certaine manière heureux de partager un moment avec elle, je ne pouvais pas atteler à l'insécurité que je pouvais apporter à Nëssa. Loin de moi la crainte, je saurais faire avec, mais je ne voulais pas attirer inutilement l'attention. Malgré les bienfaits de ma personne à la fin de la guerre pour beaucoup encore je représentais une certaine menace. Ces gueux bien trop faibles n'oseraient sûrement pas s'approcher, mais n'étions nous pas assez prudent ? On pénétrait donc enfin dans le village, dépassant les villageois, débarquant au milieu de nulle part, j'attendais les directives de Nëssa pour suivre. Après tout, c'était elle qui voulait venir ici, ce serait à elle de nous guider.

« Et maintenant ? »

Tourner vers ce visage si attendri vers ma personne, je ne me lassais pas de la voir ainsi. Je dégageais lentement les vieux tourments qu'elle provoquait lorsqu'elle était trop faible, j'éloignais de moi l'image d'une serviette tiède sur son front, emmitouflée dans son lit, subissant les méandres de son chakra maladif. Profitons simplement du moment.

Passenger - Keep On Walking ♫

Quel étrange trio nous faisions au sein de tous ces villageois, tous ces habitants si normaux et si uniques à la fois. Nous faisions bien tâche à vrai dire, tous étaient habillés avec des tuniques basiques, un style propre à leurs vies tranquilles, les enfants riaient et couraient un peu partout, c'était paisible, je manquais d'habitude face à cette joie si visible. Longues furent les années où tout était sombre autour de moi, sans vraiment savoir pourquoi ou comment, c'était vivifiant, agréable même, de voir autant de tranquillité autour de soi. Bon, pas assez pour arracher un sourire sur le visage terne qui était toujours aussi figé, et surtout dépité d'être présent dans cet incompréhension amusante. Enfin, au milieu de tout ça, nous étions un trio des plus illégitime dans ce tableau de leur quotidien. Nëssa, albinos et perle argentée se laissant marcher au gré de la brise accompagnée comme toujours par Pépite. Il devait être le plus surprenant des trois entités présentes, un tigre blanc, ça n'avait rien de banal. Entre les enfants émerveillés et les parents apeurés, la logique voulait que tous s'écartent à notre passage. Puis il y avait moi, planqué sous une cape à capuche noire, sombre et presque inquiétante. Moi qui voulait taper dans la discrétion, j'avouais que c'était bel et bien foireux comme méthode. Méfiant, les solutions étaient peu riches face à ce soucis d'anonymat. Quoiqu'il en était, malgré les regards et nos êtres acculés par la prudence des villageois, nous passions les rues sans trop d'efforts pour enfin arriver face à ce supermarché des plus basiques. Toujours peu à mon aise dans ces situations qui m'étaient depuis trop longtemps étrangères, je m'attendais à ce que Nëssa prenne le relais, qu'elle guide mes pas à travers la suite. Dans un esprit involontairement machiste, je n'étais qu'au second plan lors de cette si banale chose qu'était les courses et face à mon interrogation et mon incapacité de décider ce qu'il arrivait ensuite je ne trouvais que naturellement taquinerie légitime.

« Si, si j'ai déjà fais les courses mais... »

Cherchant les mots exactes pour terminer cette évidence il était à noter que je n'avais pas souvent fait les courses. Il m'était arrivé d'aller acheter quelques bricoles lors de mon enfance pour la famille, et j'avais bien du les faire lorsque j'étais seul après que mon clan fut décimé. Ayant longuement vécu seul, obligé à prendre en autonomie et maturité, j'avais rapidement appris les rudiments d'une vie solitaire. Ceci sous entendait aussi la cuisine, les courses, le ménage et le rangement. Malgré tout, mes courses étaient expéditives, je prenais les produits qui me tombaient sous la main et je n'allais pas réellement chercher plus loin. Cela avait été, malgré moi, toujours un souvenir de souffrance. Oui, toujours rattaché à cette fois-là, ce triste jour, mes dernières courses joyeuses. Je revenais du magasin lorsque mon frère avait pris le soin d'arracher la vie du clan Uchiha. Bien que les maux de ce souvenirs soient lointains, hors contexte et plus d'actualités, c'était toujours ce léger pincement nostalgique qui s'éprenait à cette idée. Ne poursuivant donc pas ma phrase dans ma confusion et ne sachant de toute manière pas réellement comment je pouvais justifier ma question certes évidente je reprenais plutôt sur le reste.

« J'ai pas vraiment le choix, c'est mieux que de se faire montrer du doigt et d'entendre le monde nous nuire. »

Je savais que la taquinerie faisait partit du jeu et je ne m'en plaignais pas. À vrai dire, Nëssa avait toujours su rendre l'obscurité autour de moi très légère. Elle égayait mes pensées et même mon bien-être global. Elle rendait tout plus ou moins plus simple, plus compréhensible, plus léger que la normale et c'est aussi ce qui nous avait rapproché. D'une certaine manière, la désapprobation et le sérieux ultime qui faisait rage sur mes mots et mon visage étaient ma manière à moi de partager son sourire. C'était peu évident mais je savais qu'elle me comprenait mieux que n'importe qui d'autre. C'est d'ailleurs grâce à ça que je m'amusais à lui rendre parfois la pareille.

« Et je te signale que Pépite fait bien plus mauvais genre que mon accoutrement ! »

Reprenant le ton amusé qu'elle avait employé, je jetais un regard sur le tigre blanc qui semblait que trop bien comprendre. Replaçant ma capuche, on entrait finalement dans le magasin ne cessant jamais de récolter les regards et la surprise des gens autour de nous. Avouons même qu'au delà de la surprise, la peur entrait également en jeu. Nous baladant dans les rayons pour chercher les ingrédients dont on avait besoin pour ce gâteau, les gens présents nous évitaient au possible, ne voulant sûrement pas croiser Pépite. Je n'allais pas m'en plaindre, moins il y avait de monde autour de nous, plus je m'en portais bien. Autre chose attirait mon attention, les demandes de Nëssa. Comment pouvais-je savoir ? La pâtisserie était loin d'être un hobby pour moi, malgré tout j'y voyais là un moyen de placer ma préférence.

« Chocolat ! »

Cachant tout de même l'engouement face à ce choix, je toussotais un peu après, détournant le regard, feintant ma détermination face à la réponse venue instinctivement. Bien que tout pour le moment portait à croire que cette balade allait être bien plus paisible que ma méfiance ne me l'annonçait, il fallait que ça dérape. Forcément, malédiction des Uchiha oblige, la malchance frappait n'importe où et n'importe comment, oui, même dans ces moments-là je ne pouvais que me dire que j'étais maudit. Visiblement ennuyé et impatient de rentrer, le tigre blanc ne trouva rien de mieux de tirer sur ma cape noire. Dans un mouvement j'avançais et évidement le vêtement de sécurité s'échappait lentement de mes épaules et quittait mon corps avant de retomber au sol sous les pattes du félin. Ni une ni deux, à peine eus-je le temps de réagir qu'un homme, le crâne luisant et trop porté sur la nourriture me reconnaissait.

« Et merde... »

Le doigt pointé sur moi, mon nom complet écrié dans tous le magasin prêt à faire rameuter une foule mécontente je ne savais encore comment y réchapper. Genjutsu ? Ce serait vraiment abusé de devoir déployer le Sharingan alors que je faisais simplement des courses et que je ne demandais rien à personne. Une idée me vint alors en tête et bien que la réussite semblait peu probable, elle méritait d'être tentée. Rapidement et avant que le monde s'amasse dans notre rayon, je me retournais choppant la cape pour la faire voler et obstruer la vision de l'homme m'ayant reconnu. Une fois à l'abri de son regard, trois mudras rapides et un Henge No Jutsu plus tard je métamorphosais mon corps. Changeant que légèrement mon visage, gardant la chevelure, rajoutant une légère barbe peu visible et durcissant les traits du visage m'ajoutait quelques années je faisais mine de regarder partout avant de poser mes yeux sur le délateur.

« Vous parlez de moi ? Vous faites une grossière erreur. Dis lui qu'il se trompe ! »

D'un coup de tête et cherchant le regard de Nëssa, je voulais qu'elle me soutienne même si je savais qu'elle allait surtout rire de ce nouveau visage. Tentant le tout pour le tout, lâchant la confusion au sein de son esprit, il fallait que ça marche.

« Bon, on a des courses à finir.. »

Changeant rapidement le sujet, j'entraînais vivement Nëssa à me suivre pendant que la surprise était présente. Il fallait esquiver ce terrain glissant et fuir ce Pays au plus vite. Bordel ce que j'aimais pas ces situations..

Mary PopKids - Nightdrive ♫

Les occasions de me retrouver à faire les courses étaient bien rares. À vrai dire, toutes les situations de la vie de tous les jours l'étaient lorsqu'on était un Shinobi, et encore plus quand on était un déserteur. Je ne pouvais jamais faire ce genre de choses, même aujourd'hui que la paix était revenue et que, malgré tout, mon image avait un léger regain pour le monde ninja, la plupart des gens restaient bloqués sur leurs préjugés et les méandres égarés de mon passé houleux. La preuve étant faites par le fait que je me retrouvais obligé de me cacher derrière un accoutrement des plus ridicules. Bien que l'obscure cape sied à merveilles à ce que je pouvais représenter, ce n'était pas des plus agréables. Il y avait que Nëssa pour m'attirer dans de telles choses, cela ne pouvait arriver que lorsque je me pliais à sa volonté. Non pas qu'elle forçait ou que je m'obligeais à quoique soit par retour d'une quelconque revendication, c'était simplement qu'elle était l'unique personne pouvant me faire oublier ma condition. Avec elle à mes côtés je n'avais que la banalité et la paisible existence que, parfois, je cherchais. Qu'il était usant d'être traqué sans relâche, de devoir assumer ses desseins de haine et de vengeance. J'avais été trop longtemps obnubilé par mes désirs d'égoïsme, de dignité et de fierté pour laisser cet amas de restes haineux en moi reprendre le dessus. Et Nëssa était la personne parfaite pour m'aider dans cette tâche. Durant ces deux années, elle avait en quelque sorte prit soin de mon état. Ce n'était pas réellement ce qu'elle disait, ce qu'elle faisait, c'était simplement le regard qu'elle m'offrait, les instants de détente où on oublie littéralement ce qu'il se passe autour de nous qu'elle arrivait à installer. C'était un tout, et c'était réconfortant de savoir qu'il existait une personne telle qu'elle pour moi. Je pense que les situations telles qu'aller faire les courses, manger avec du monde autour de soi, se promener, et tout ce qui pouvait constituer la normalité dans ce Monde devaient vraiment être lier à une personne importante pour qu'elles soient appréciables. Il m'est arrivé de devoir subir tout ça seul, sans promesse de retrouver une tierce personne, et l'enchantement qui englobe ces instants volés disparaît avec la solitude. Et depuis trop longtemps j'avais souffert de n'avoir personne qui m'attend.

Nous étions simplement le trio le plus improbable qu'il devait avoir été donné à voir dans ce Pays. Dans les autres également d'ailleurs. On pouvait faire le moins de bruits possibles, on pouvait être méfiant, les regards étaient naturellement braqués sur nous, simplement par l'excentricité qui ressortait du mélange. De là, les situations banales explosaient, et on ne pouvait se reposer sur la discrétion de Pépite. Ce tigre était des plus adorables, mais il fallait avouer qu'il lui était impossible de passer inaperçu. À vrai dire, il était le plus gros danger qui nous entourait. Et le prouvait bien, en jouant avec la cape qui cachait mon visage. Il montrait, sans le vouloir, ce visage qui était tant recherché fut un temps. Même si de nos jours l'oubli commençait à suivre le travail que le temps avait opéré, le manque de chance incombait nos courses si paisibles. Malédiction des Uchiha en quelque sorte, c'était presque risible. A découvert, un gros chauve hurlant mon nom, je réagissais d'un Henge No Jutsu et je faisais fuir l'ameutement radical qui arrivait. Certains soufflaient le manque de visibilité, d'autres restaient curieux de la confusion de l'homme et même si Nëssa se retenait de rire, elle suivit le mouvement. Fort heureusement à vrai dire, sinon je ne savais pas dans quel bazar j'aurais pu me retrouver. On disparaissait rapidement de la vision du monsieur, mimant l'indignation. Je devais bien obligatoirement réfuter cette fierté qui était mienne pour le moment. J'avais jugé ça plus judicieux, ne voulant pas mettre dans un quelconque danger ceux qui partageait ma journée. C'était ni le moment ni l'endroit pour me faire remarquer. Je me trouvais dans cette désagréable situation d'être le seul élément de risque. Nëssa aurait bien pu les faire seules et ne rien risquer. Mais elle souhaitait être accompagnée, ce qui était normal et logique, après tout les courses c'était incroyablement chiant à faire seul. Une sorte de dilemme s'engageait et évidemment, Nëssa était toujours la partie gagnante.

Ainsi on terminait les courses et je restais silencieux, n'osant me faire remarquer plus que je ne l'avais déjà fait. Je maintenais ce visage et j'essuyais les sourires de la princesse argentée. Il m'arrivait de détourner un regard sur Pépite qui semblait recevoir toutes les peines du monde. Elle payait et je portais les sacs alors qu'on sortait du magasin pour la ville. Nëssa brisait le silence et je soupirais un peu avant de lui répondre.

« Je reste convaincu que les courses, c'est pas mon truc. »

Je prenais le tout à la légère maintenant que la faible angoisse était redescendu. On était indemne et nous avions fait aucun accro pouvant risquer ma couverture. C'était le principal.

« La prochaine fois je ferais un Henge No Jutsu dès le début. »

Je lâchais ces quelques mots alors que la technique disparaît. On se dirigeait vers la maison et nous étions à l'abri, je pouvais me le permettre. Pépite aussi semblait avoir reprit un certain engouement, sûrement à cause du gâteau qui approchait.

« Par contre, je te préviens, si tu veux de l'aide pour la cuisine tu devras tout me dicter. »

J'anticipais sa demande qui viendrait forcément, et je m'assurais de donner une information des plus utiles. Je ne savais absolument pas cuisiner correctement.