Saleté de pluie...

«  Cela m’a fait plaisir de te revoir Thrys ! Rentre bien, et n’hésite pas à revenir ! »

Se tenant sur le pas de la porte, le regard en direction du jeune Sunajin, Mifune salua son fils adoptif qu’il n’avait pas vu depuis cinq ans. Thrys le remercia une fois encore pour son hospitalité, et lui adressa un dernier signe de la main, avant de prendre la direction des portes de la forteresse, dans laquelle se tenaient parfois les réunions entre les cinq Kage. Tandis qu’il suivait le sentier tracé dans la neige, notre ninja observait les samouraïs qui se mouvaient autour de lui. Certains s’entraîner sur des mannequins en bois et en paille, d’autres encore s’affrontaient en duel afin de parfaire leurs techniques et leur maîtrise du katana.
Il était bien loin le temps où Thrys était à leur place. Cinq ans… cinq ans que notre ninja avait passé avec succès l’examen de sélection des samouraïs. Mais alors qu’il resongeait à cet événement, le visage d’Hirotsuka et celui de Sotsuke – ses amis d’enfance morts durant cet examen – lui apparurent mentalement. Son expression s’assombrit alors et, toujours attristé par le décès de ses amis, il baissa la tête vers le sol et serra les poings. Deux jeunes adolescents destinés à un avenir prometteur… arrachés à leurs familles par de vulgaires bandits.
Alors qu’il marchait, son chemin croisa celui de la mère du jeune Sotsuke qui en le reconnaissant lui adressa un simple sourire… il est difficile de faire le deuil de son propre enfant, et Thrys ne souhaitait guère enfoncer le couteau dans la plaie, si bien qu’il ne lui répondit que par un simple hochement de tête, avant de continuer son chemin.

Mais alors que cette journée n’avait pourtant pas si mal commencé, voilà que des pensées négatives l’assaillaient. Frénétiquement, il secoua la tête de gauche à droite, comme s’il voulait que ses idées noires soient éjectées de son esprit. Il concentra alors son attention sur le chemin, après être sorti du village qui entourait la forteresse des samouraïs. Il traversa le poste de garde, salua les sentinelles qui surveillaient les alentours puis se dirigea vers l’horizon.
Rentrons à Sunagakure no Sato.

Une journée et demie s’écoula. Après une première portion du voyage plutôt calme et terriblement ennuyeuse, Thrys atteignit la frontière du Pays de la Pluie. Tandis qu’il progressait, de sombres nuages s’amoncelèrent au-dessus de lui, une bruine finit par s’en écouler et, après quelques kilomètres, cette fine pluie se changea peu à peu en un véritable déluge, accompagné d’éclairs qui zébraient le ciel et d’un tonnerre qui effrayait les plus jeunes. « Super… il ne manquait plus que ça… » râla notre héros en accélérant le pas, souhaitant éviter de se retrouver entièrement trempé. D’habitude, la pluie ne le gênait pas plus que ça, au contraire même, il appréciait particulièrement l’atmosphère paisible et le bruit que faisait l’eau en tombant sur le sol… mais là, c’était différent… la pluie était lourde, violente, et puis se promener sous l’eau pendant un orage n’était pas une idée très judicieuse…
Après quelques minutes de marche, et sentant que ses chaussures n’allaient pas tarder à saturer et laisser passer l’eau au travers du cuir, Thrys aperçut au loin les fenêtres illuminées d’un ryokan (N.B : Les ryokan sont des auberges typiques du Japon). Esquissant un sourire heureux, il se dépêcha de gagner le bâtiment et, une fois à l’abri de la pluie sous l’enseigne, il observa les alentours. Non loin de l’auberge en elle-même, des bains ont été construits pour les clients qui souhaitent se relaxer après une dure journée de labeur. Mais il était tard, et les bains étaient fermés, au grand désarroi de notre héros qui aurait bien aimé prendre un bain relaxant… Il pénétra alors dans le bâtiment, après s’être essuyé les pieds.

L’ambiance était plutôt chaleureuse, sur sa gauche une salle remplie, où hommes et femmes semblaient s’amuser et rire. Sur sa droite un escalier qui menait aux chambres à l’étage et, face à lui, un comptoir devant un tableau comportant plusieurs emplacements ainsi qu’un numéro. Comme l’indique la coutume, et avant de marcher sur le tatami, Thrys ôta ses chaussures, et enfila les chaussons prévus pour se déplacer au cœur du ryokan. Une femme arriva alors, sans doute la gérante de l’établissement – l’okamisan précisément –, sortant de derrière un paravent, puis elle salua l’arrivant. Elle se dirigea alors vers le comptoir, s’assit sur sa chaise et ouvrit le registre, avant de demander au ninja la raison de sa venue. Le Sunajin, après avoir jeté un coup d’œil aux quelques cartes de séjour toujours accrochées sur le tableau derrière elle, lui demanda une chambre pour la nuit. Elle attrapa alors de quoi noter, approcha sa main du registre qui se trouvait sur son bureau, et demanda l’identité de l’homme face à elle. Puis elle se retourna, attrapa la première carte qui lui tomba sous la main avant de le tendre à son interlocuteur, et de lui expliqua succinctement où se trouvait sa chambre.
Thrys la remercia, prit l’escalier sur sa droite et monta à l’étage. Il n’y avait qu’une vingtaine de chambres, et toutes semblaient assez petites… mais bon, il ne s’agissait que d’un simple lieu de repos, pas d’un hôtel grand luxe. Il entra dans sa chambre, déposa ses affaires et s’allongea lourdement sur son lit, les mains placées derrière la nuque, le regard rivé vers le plafond. S’enfonçant petit à petit dans le matelas, il profitait de la douceur des draps et ne voulait plus du tout s’en séparer. Mais alors qu’il se prélassait, le bruit de l’eau sur les carreaux le ramena à la réalité et, après un effort qui lui parut sur le coup considérable, il releva la tête et observa le temps. « Pourvu que cela ne dure pas trop longtemps. » songea le Juunin de Suna, avant de se redresser et de préparer ses affaires pour la nuit et le lendemain. Il desserra les sangles de son masque avant de le retirer et de le poser sur le lit, puis décrocha les plaquettes métalliques fixées sur ses avant-bras et ses tibias.  

Une fois paré, il sortit de sa chambre, fit coulisser la cloison de papier et descendit dans la salle. Une quinzaine de personnes étaient présentes, sans compter le barman et les trois serveurs qui ne savaient plus où donner de la tête. Quelques ivrognes affalés au comptoir riaient à gorge déployée et se racontaient des histoires salaces, d’autres encore jouaient au poker ou à d'autres jeux d'argent où l'utilisation de cartes était requise, et certains discutaient tranquillement, assis à une table.
Thrys chercha du regard une table libre, et après en avoir trouvé une éloignée de l’entrée, dans un coin, il s’y dirigea, avant de se poser et de s’installer confortablement sur la banquette. Un serveur s’approcha puis lui demanda ce qu’il souhaitait consommer. Notre protagoniste se tourna dans sa direction, et lui demanda une biru – bière en japonais. Le serveur hocha alors la tête avant de repartir au bar, chercher la commande du Sunajin.
Quelques instants plus tard, il déposa le verre et la petite bouteille sur la table, et, une fois les remerciements de Thrys faits, il se dirigea vers une autre table.

Le Juunin se versa un peu de bière dans le verre, et but quelques gorgées, avant de lâcher un soupir de soulagement.

Mais la soirée risquait d’être longue… très longue…

Une nouvelle tête ? Pas sûr.

La pluie ne cessait de tomber… Le coude posé contre la table, la tête qui s’était ancrée dans la paume de la main et le regard fixant la fenêtre qui donnait sur le chemin à proximité du ryokan, Thrys commençait à trouver le temps long… Tandis que les habitués du bar et les autres convives vaquaient à leurs occupations respectives, notre ninja soupirait et surveillait d’un œil attentif l’état du ciel, attendant avec la plus grande impatience que ces gros nuages noirs se dissipent pour ainsi laisser la place aux rayons solaires.
Mais à en juger l’amoncellement de cumulonimbus, le pauvre Juunin risquait de passer la nuit dans cette auberge et repartir seulement le lendemain matin… et cette idée ne le réjouissait guère…

Fatigué de regarder les gouttes d’eau venir s’écraser sur le sol, Thrys détourna le regard et observa les trois hommes qui jouaient aux cartes, une table plus loin. Une partie de poker, sans doute… Tandis que deux d’entre eux fixaient le jeu avec attention et échangeaient des regards intimidants, le troisième jeta un rapide coup d’œil à sa main, tout en prenant soin de ne pas dévoiler la carte qu’il conservait dans la manche. Notre ninja esquissa un sourire, et concentra davantage son attention sur la partie, afin de voir ce qui allait se produire. Quelques secondes après, chaque joueur déposa tour à tour ses cartes sur la table, révélant ainsi leurs jeux respectifs. Le tricheur intervertit alors sa carte avec celle qu’il cachait depuis le début et lança un regard aux deux autres. Puis, d’un geste lent, il déposa ses cartes, et ajouta d’une voix calme et sereine « J’ai gagné. ». C’est là que tout se jouait. Thrys l’avait compris, et voilà le moment considéré comme décisif : le tricheur devait garder son calme et rester persuasif… s’il vacillait, si sa voix venait à paraître fébrile, la supercherie serait découverte et plusieurs mandales risquaient de le défigurer. Les deux autres joueurs le regardèrent quelques instants, s’échangèrent des regards interloqués et finirent par abandonner. Ils quittèrent la table de jeu, laissant ainsi le « vainqueur » seul, devant le petit tas de ryos. Un sourire satisfait se dessina sur ses lèvres. Il se sentait presque honteux de récupérer cet argent, mais bientôt les remords s’estompèrent, et une fois les billets rangés il sortit de la salle et monta à l’étage.

L’une de ses seules distractions venait de le quitter, si bien qu’il tourna à nouveau la tête vers la fenêtre, et ne put s’empêcher de lâcher un soupir à la vue de la pluie qui semblait avoir redoublé d’importance. Il paraît que le temps et le climat avaient tous deux un impact sur l’humeur des gens… et bien cette chose était vraie pour notre héros. Bien que, par moment, il appréciait marcher sous la pluie, ce déluge le pesait et le rendait plutôt sombre.

« Bonsoir, puis-je vous tenir compagnie ? »

Avait-il bien entendu ? Une voix dirigée vers lui, qui semblait s’adresser à lui ? Intrigué, il tourna la tête, voulant connaître l’identité de celui – ou plutôt celle, compte tenu du timbre de cette voix – qui lui avait demandé en toute simplicité s’il pouvait s’inviter à sa table.
Une jeune femme, qui ne paraissait guère plus âgée que notre Juunin, et dont la chevelure rouge éclatante faisait penser aux flammes d’un brasier. Une inconnue ? Voilà qui était étrange… bien qu’elle se présentait à lui sans qu’elle ne le connaisse d’Adam ni d’Eve, Thrys avait l’impression de l’avoir déjà vue quelque part. Elle continua alors, toujours de sa voix calme et amicale :

« Je m’appelle Lina, et j’admets que je m’ennuie un peu en ces lieux loin de chez moi. »

Les dernières paroles de la jeune femme résonnèrent dans l’esprit de notre héros, qui essayait d’attribuer un souvenir à son interlocutrice qui ne lui était définitivement pas inconnue. Tandis qu’il réfléchissait au moment où il aurait pu la croiser pour la première fois, et pour ne pas laisser s’installer un blanc, il désigna la chaise face à lui, et l’invita à s’asseoir, chose qu’elle fit, après avoir remercié le ninja.
Souhaitant creuser davantage et obtenir d’autres informations sur cette Lina, il demanda :

« En ces lieux loin de chez vous ? Hum… tout comme moi alors… il marqua une brève pause, le temps pour lui de se frotter le menton, puis reprit et où habitez-vous, si ce n’est pas indiscret ? Je suis moi-même du Village caché du Sable. »

Et, alors qu’il avait entamé la discussion, Thrys commençait à comprendre qui était cette Lina. Il l’avait déjà vue à Suna, il y a de cela plusieurs jours déjà, voire même plusieurs semaines. Entre deux réunions du Kazekage, elle s’était présentée à lui pour une mission, précédant notre héros de quelques minutes… de simples salutations au beau milieu du couloir, et leurs regards se sont pour ainsi dire peu croisés… Était-ce une employée du Palais Kazekage ? Un ninja du Pays du Vent ? Ou tout simplement un visiteur qui avait demandé une audience auprès du Yondaime ? Une chose était sûre : notre héros l’avait déjà vue… maintenant, il fallait en apprendre plus.

La paix n'est qu'un mensonge...

Désormais face à face, assis à une table du bar d’un ryokan non loin de la route séparant Ame de la frontière du Pays de la Pluie, Lina et Thrys conversaient et essayaient de se connaître un peu mieux. Alors que seulement quelques minutes s’étaient écoulées depuis l’arrivée de la jeune femme à la chevelure flamboyante, notre ninja avait déjà collecté des informations plutôt importantes concernant son interlocutrice. Tout d’abord, son apparence et son regard ne lui semblaient pas inconnus… il les avait tous deux déjà vus auparavant, mais la question demeurait : où et quand ?
C’est alors, qu’après avoir déclaré apprécier trouver de la compagnie dans un lieu éloigné de sa région natale, elle finit par répondre au Juunin de Suna qu’elle provenait de Kaze no Kuni, et plus précisément du Village caché du Sable. Voilà une bien heureuse coïncidence que de trouver une compatriote à des kilomètres de son chez soi. Dès cet instant, il comprit alors pourquoi le visage de la jeune femme lui paraissait familier. Un souvenir fit surface, une bribe de sa mémoire lui apparut mentalement, visualisant la scène…

- FLASH-BACK -

Tandis qu’il se hâtait pour gagner au plus vite le Palais du Kazekage, suite à un message qui paraissait plutôt urgent, Lina était dans le bureau du Kazekage et converser avec ce dernier pour une raison inconnue de notre héros, mais qui ne l’intéressait pas plus que cela… chacun avait le droit d’avoir ses petits secrets, et puis il n’était pas invité à cette réunion, entendre son motif ne lui était pas autorisé.
Après avoir franchi l’entrée de l’imposante bâtisse, il se dirigea vers les escaliers avant de grimper deux à deux les marches et finit par atteindre le premier étage. D’un mouvement rapide, il suivit le couloir où se tenaient, accrochés aux murs, les portraits des précédents dirigeants du Village caché du Sable. Et, alors qu’il était occupé à les observer, il n’avait pas stoppé sa marche, si bien qu’au détour d’un couloir il heurta la pauvre jeune femme qui tomba à la renverse, n’ayant pas eu le temps d’éviter la course effrénée du Juunin. Elle atterrit donc sur le coccyx, légèrement sonnée, et alors qu’elle s’apprêtait à lancer quelques injures à l’égard de la personne qui l’avait bousculée, Thrys réagit au quart de tour, tendit la main vers sa « victime », accompagnant son geste de paroles gênées :

« Je suis sincèrement désolé, je ne regardais pas où j’allais ! Il la hissa donc sur ses deux jambes, et tandis qu’elle se remettait de sa chute, il jeta de rapides coups d’œil autour d’elle afin de voir si, dans le feu de l’action, elle avait laissé échappé quoi que ce soit d’important. Constatant qu’elle ne détenait rien, il reporta son attention sur la jeune femme, et demanda, inquiet Tout va bien ? »

Lina le regarda alors quelques instants, hocha alors la tête de haut en bas, rassurant son interlocuteur, qui, sachant que ce qu’il s’apprêtait à faire était d’une impolitesse déconcertante, s’excusa une nouvelle fois, contourna la demoiselle et fonça au bureau où l’attendaient les expéditeurs du message.
Voilà comment s’était déroulée la rencontre entre nos deux protagonistes. Intéressant, non ? Bref, revenons à nos moutons…

- FIN FLASH-BACK –

Après ce petit temps mort, nécessaire pour vous, chers lecteurs, afin de comprendre comment les deux ninjas du Sable se sont vus pour la première fois, Thrys esquissa un sourire, trouvant aujourd’hui la situation plutôt amusante.
Plongé dans ses pensées, ou plutôt dans ses souvenirs, la voix doucereuse de Lina le ramena à la réalité. Après avoir décliné son identité et dévoilé que Suna était son lieu de naissance, elle posa quelques questions à notre ninja, souhaitant en apprendre davantage. Honorable de sa part de vouloir connaître qui elle avait en face d’elle. Suite à cela, elle nota aussi le regard du Juunin qui lui paraissait familier. Se souvenait-elle de leur première rencontre au Palais Kazekage ? Dans tous les cas, le jeune homme se tenait prêt à lui rappeler les circonstances… quoique… bien que cocasse, Lina s’était peut-être réellement fait mal, mais qu’elle n’avait pas voulu l’avouer au Sunajin, ne souhaitant pas qu’il s’inquiète…

« Je suis désolé, je ne me suis pas encore présenté, c’est vrai… je me nomme Thrys… Thrys Kaosu, et je suis un Juunin d’élite du Village caché du Sable… »

Elle l’écouta parler, et hocha la tête suite à cette nouvelle information. Peut-être qu’à cet instant elle se remémora la chute… mais à en juger son attitude inchangée, elle ne semblait pas y avoir pensé. Ne souhaitant guère laisser s’installer un silence qui, à la longue, risquait de devenir pesant, elle continua la discussion sur un tout autre sujet, exprimant sa joie de rencontrer un compatriote en territoire inconnu. Mais son air s’assombrit, et d’une voix lourde et pessimiste, elle annonça l’état déplorable du Monde Shinobi tout entier, tout comme celui du Pays du Vent.

Thrys n’y avait pas songé… il est vrai que la situation de Kaze no Kuni n’était guère florissante… Bien que le Vent était en bons termes avec le Feu, et que Suna jouissait d’une paix durable avec son allié Konoha, l’économie vacillait et ne tenait qu’à très peu de choses. Les autres nations ne voulaient pas commercer avec le Vent, considérant ce pays aride dénué d’intérêts et de richesses. L’armée du Seigneur féodal est réduite, seule une poignée de soldats sont sous les ordres du dirigeant, exceptée la garde royale d’élite…
A Suna non plus la vie n’était pas rose. Bien que la vie semble paisible au village, les habitants sont habités par une paranoïa provoquée par le fils du Yondaime Kazekage : Gaara. A sa naissance, les dirigeants du Village ont jugé bon de sceller en lui le démon Shukaku, Bijû à une queue, afin d’utiliser sa puissance en tant qu’arme… malheureusement, les choses ne se sont pas goupillées comme ils l’espéraient. Instable psychologiquement, rejeté par les autres habitants du village, Gaara s’est forgé une carapace quasi impénétrable, ayant compris qu’il était inutile de vouloir s’attacher aux autres. Lunatique, il pouvait être tantôt calme tantôt sanguinaire… malheur à ceux qui se trouvaient sur son chemin lorsque le démon prenait le contrôle du corps de son hôte...

Il but une gorgée de bière et, tout en fixant le fond de son verre, il prit la parole :

« Il est vrai que le Pays du Vent n’a guère été gâté par les précédentes guerres… et sa situation actuelle risque, à mon avis, d’empirer… »

Il releva la tête, observa devant lui et constata soudainement que son interlocutrice n’avait rien à consommer. Rapidement, il scruta la salle et, une fois un serveur aperçu, il lui fit un signe de la main, l’obligeant à s’approcher de la table. Il demanda à ce que l’on serve à la jeune femme la boisson de son choix et, par galanterie, annonça qu’il se chargeait de la note. Lina prit alors commande avant de libérer le serveur qui gagna les cuisines afin d’apporter le verre de la Sunajin.
Puis il continua ses explications, souhaitant partager son point de vue :

« Le monde tel que nous le connaissons est régi par de nombreuses lois qui sont, malheureusement, immuables... connaissez-vous la maxime « L’Homme est un loup pour l’Homme » ? Son air, jusqu’ici posé et serein, s’assombrit peu à peu… L’argent… l’amour… le pouvoir… toute raison est bonne pour s’accaparer les biens d’autrui… c’est ainsi que les peuples se déclarent la guerre… mort et désolation… Il accentua l’étreinte qu’il exerçait sur son verre, et termina son discours, après avoir plongé son regard dans celui de son interlocutrice Au train où vont les choses, les conflits reprendront… la paix n’est qu’un mensonge à mes yeux… »

Il se redressa sur son siège, relâchant son verre après avoir bu quelques gorgées, et essaya de reprendre ses esprits. Voilà que le sujet avait dérapé et que ses mots avaient dépassé sa pensée. Il tourna la tête vers la fenêtre, nota rapidement l’état du ciel puis reporta son attention sur son interlocutrice.
Le débat était ouvert.