Le village des marionnettistes maudits. Keichi ne savait pas vraiment ce qu'il faisait là en ce lendemain de St Valentin, avançant simplement dans une rue balayée par les courants d'air chauds sans destination précise. Les maisons en terre semblaient façonnées par le vent du nord à moins que cela ne soit le fruit des bourrasques venues du sud, laissant sur les murs courbés de longues enfilades qu'il ne savait si elles étaient filles du temps ou des intempéries. Observant un couple se tenant amoureusement la main, il se souvint des dernières paroles de ses parents avant qu'il en soit obligé de quitter la boutique, une besace en bandoulière dans le dos et un bout de tissu entre les bras. « C'est la fête des amoureux aujourd'hui, va offrir des chocolats à quelqu'un au lieu de bricoler une énième poupée ! » Enroulés dans le tissu, les dits chocolats. Ils n'avaient pas tardé à fondre sous le soleil du désert et lui s'était aventuré en dehors du village, décidant qu'ils seraient seuls plus longtemps que prévu. Après tout, c'était bien pour être seuls qu'ils l'avaient mis à la porte de façon si détournée. Keichi s'était éloigné sous l'astre du jour sans se préoccuper des rayons léchant avidement sa peau, habitué à la chaleur. Ses vêtements le protégeaient plutôt bien, et sa chevelure pâle n'attirait pas le soleil. Son frère aussi, avait les cheveux pâles. Mais sa mort n'empêchait pas leurs parents de ne penser qu'à leur propre bonheur et au creux de sa poitrine, son coeur se serrait douloureusement. Comment pouvaient-ils penser à une stupide fête des amoureux alors que leur fils aîné était mort ?! Le jeune sunajin s'était élancé en courant, escaladant tant bien que mal une dune et ne tardant pas à glisser, roulant bientôt en bas d'une autre montagne de sable. Sa peau irritée avait rougit et il l'avait frottée brutalement, maudissant sa sensibilité. Il n'était pas une vulgaire petit fille qui fondait en larmes pour la moindre écorchure ! Il s'était relevé sans plus de cérémonie et avait marché jusqu'au village, à son aise dans le désert connu depuis l'enfance.

  Ce n'était pas bien loin et peut-être marchait-il plutôt vite mais dans tous les cas il y était, déambulant dans les rues et s'arrêtant devant une maison abandonnée en se demandant si c'était là que les marionnettistes s'étaient retranchés. Pourquoi avaient-ils été qualifiés de maudits ? Etaient-ils toujours là ? Ces questions tournoyaient dans sa tête comme un beau pantin entre les bras d'un marionnettiste, élégant et destructeur. Que se passerait-il s'il cherchait à vérifier ? Serait-il blessé, agressé ? Mais c'était tellement attrayant, il aurait voulu découvrir toute l'histoire. S'approchant donc à pas mesurés, Keichi avait eu la vague pensée que le jour de la St Valentin était comme tous les autres, l'oubliant instantanément alors qu'il entrait dans la maison, poussant le battant de la porte avec prudence. S'avançant dans le noir, il s'était demandé si les marionnettistes étaient maudits pour avoir remplacé une partie de leur corps par un mécanisme, ou encore pour avoir utilisé une technique interdite, sursautant finalement en marchant sur une main de pantin qui tomba en morceaux sous son pied. Reculant brutalement, le genin avait percuté une surface dure qui lui vola un petit cri de surprise alors qu'il se retournait, s'apprêtant à repousser un potentiel agresseur avant de se rendre compte que ce n'était que la porte. La porte qui s'était refermée derrière lui. Une pointe de panique avait aiguillonné son corps frêle et Keichi avait bondit en avant, cherchant une issue sans même chercher à savoir s'il y avait vraiment quelqu'un pour fermer la porte ou seulement un coup de vent bien placé. Le jeune garçon s'était élancé à travers la pénombre, trébuchant et sursautant au moindre bruit pour finalement sortir par une fenêtre aux carreaux brisés, le coeur battant à la chamade et les cheveux ébouriffés. Riant nerveusement en se disant qu'il s'était fait peur pour rien et que ce n'était pas le soir d'Halloween, il n'avait tout de même pas tardé à s'éloigner, ne demandant pas son reste. Peut-être n'était-ce même pas le repère des marionnettistes maudits mais il s'était assez fait peur pour la journée !

  Il s'était réfugié dans une autre maison abandonnée et avait somnolé tant bien que mal dans la nuit fraîche du désert, se levant courbaturé le lendemain et pas vraiment fier de son esquisse de fugue. Heureusement, il ne mettrait pas longtemps à rentrer. Keichi était donc revenu sur ses pas, traversant le village et repassant devant la maison abandonnée, la fixant avec incertitude. devait-il y entrer à nouveau pour affronter sa frayeur de la veille ? Il n'était pas certain de réussir à contrôler son angoisse, mais ce dont il était sûr, c'était bien le fait qu'un genin ne devait pas céder à la peur sous peine de devenir un mauvais ninja. Et puis son frère ne l'aurait pas laissé céder à l'appréhension. Prenant donc son courage à demain, il saisit un kunai au cas où et poussa à nouveau le battant de la porte, s'avançant dans la pénombre. Il n'avait pas peur, se répétait-il en marchant dans ses propres traces, passant une nouvelle fois devant la main de bois écrasée la veille. C'était assurément le repère des marionnettistes maudits, s'il y avait un membre artificiel. Agitant bêtement le kunai devant lui, Keichi tenta de se donner du courage, le coeur battant à un rythme irrégulier et les épaules crispées. Y avait-il réellement quelqu'un ? Ou bien était-il juste une poule mouillée, maladroite de surcroit ? Et s'il y avait quelqu'un qu'allait-il se passer ? La peur faillit prendre le dessus sur lui mais il lutta vaillamment, avançant encore un peu. Il lui fallait en avoir le coeur net.

  « Je n'ai pas peur ! Vous ne me faites pas peur ! Surtout s'il n'y a personne ! »

Keichi lança brutalement le kunai, réagissant à un réflexe ancestral, un sursaut de peur en réponse à la voix qu'il venait d'entendre. Il doutait sérieusement de toucher la personne n'ayant pas visé et ne connaissant qu'approximativement sa position mais la surprise l'avait trahi et l'arme était partie sans qu'il ne se contrôle. Tournant sur lui-même dans l'espoir d'apercevoir la femme qui l'avait interpellé, le jeune marionnettiste tenta de lui répondre, pas tout à fait sûr que se soit une bonne idée et surtout ayant peur de ce qu'il se passerait après.

« Et vous alors ! » ce n'était qu'un croassement.

Trébuchant dans sa recherche, il voulu se calmer et se plaqua contre un mur, fouillant encore et toujours la pénombre à la recherche de son interlocuteur invisible. Prenant une grande inspiration, Keichi s'appliqua à reprendre son souffle et s'apaiser, cessant un instant de chercher la femme pour se concentrer sur sa peur. Se répétant que l'inconnue avait peut-être encore plus peur que lui, le jeune shinobi glissa tout de même une main sur un autre kunai, méfiant. Relevant la tête et clignant des yeux dans l'espoir de chasser la pénombre de la maison délabrée, il reprit la parole.

« Euh... je... qui êtes vous ? »

(Désolée, j'ai un peu de mal à rp ces temps-ci :/)

Un soupir lui parvint et Keichi ne sut pas comment le prendre. Etait-elle déçue par sa terreur, par son tir raté ? Déjà fatiguée de la rencontre ou simplement lasse de n'avoir eu aucune réponse ? Il n'était pas sûr de vouloir le découvrir, passant une main tremblante sur son visage trempé d'une sueur glacée et repoussant ses lourdes mèches blanches vers l'arrière. Mais sûr ou non, la réponse à ses questionnements lui fut donnée et il se crispa. Bien sûr que ce n'était pas futé, mais il doutait qu'elle soit bien innocente pour traîner ici. Enfin, il n'en savait rien mais ce rien ne le mettait justement pas en confiance. Se décollant pourtant du mur pour tenter de discerner la silhouette de la femme dans la pénombre, Keichi remarqua seulement à cet instant que sa voix avait apaisé les battements trop rapides de son coeur, le calmant sans même qu'il ne s'en rende compte.

Percevant un mouvement de son interlocutrice, il se crispa de nouveau et ne se rassura qu'en devinant qu'elle s'éloignait de lui, écoutant son explication et sentant son coeur s'affoler de nouveau. Un... tigre ? Etait-ce une invocation ou avait-elle réellement domestiqué un... tigre ? Keichi pressa sa main contre sa bouche pour étouffer une plainte craintive, cherchant fébrilement la silhouette de l'animal pour s'en écarter au maximum. Il se souvint soudain d'un autre détail donné par l'inconnue. Un autre animal ? Un... autre tigre peut-être ? L’appellation qui suivit ne parvint pas à lui ôter l'idée de la tête -minou s'appliquait autant à un chat qu'un tigre- et Keichi ne put se résoudre à la laisser parler toute seule, se disant que peut-être, le son de sa propre voix le rassurerait. Contemplant son interlocutrice que la lumière éclairait lentement, il détailla sa chevelure pâle en lui répondant timidement.

« Je... je m'appelle Keichi... mais... c'est un deuxième tigre que le vôtre a senti ? »

Croisant enfin le regard de Nëssa, Keichi recula brusquement contre le mur, terrifié par ses prunelles rouges. L'écoutant sans vraiment l'entendre, il distingua enfin le tigre et eut sa réponse, ce n'était qu'un chat que l'animal avait repéré, pas rassuré pour autant. Restant un instant plaqué contre le mur avant de réagir, il s'en détacha brusquement et brandit de nouveau un kunai devant lui en guise de maigre défense, l'agitant maladroitement en direction de Nëssa et la fixant entre ses mèches pâles, se demanda s'il devait s'étonner ou non de leurs chevelures semblables. Heureusement lui n'avait pas des yeux rouges comme elle, c'était bien trop terrifiant ! Et puis se tigre perché en hauteur, il lui fichait une de ces frousses ! Pourtant, Keichi trouva le moyen de s'outrager d'être pris pour un enfant.

« Je ne suis pas un enfant ! J'ai 12 ans et je suis ici parce que je voulais surpasser ma peur ! » pendant que ses parents profitaient de la St Valentin. Il n'en dit rien et reprit vivement. « Je ne sais pas à qui est ce chaton, je ne suis pas d'ici. »