Quelques gouttes de pluie perlaient sur la chevelure du Juunin des sables. Une fine bruine tendait à se rendre averse d’une manière, toutefois, très harmonieuse. Toute la beauté de la chose résidait dans le fait que l’eau n’était, au fond d’un épais brouillard, qu’à peine visible; l’on ne pouvait que la ressentir dégouliner le long de nos corps, fraîchement, mais d’une façon très relaxante. De plus, dans les ténèbres de la forêt brumeuse, le phénomène était également rassurant, permettant à l’enfant des cendres, l’espace d’un instant, d’oublier les innombrables dangers qui l’entouraient. Si Haiko était venu sur les terres du pays de l’Eau, c’était afin de parfaire sa quête, qui s’était précédemment soldée par un échec auprès du musicien d’Iwa. Le ninja n’avait pas pu accéder aux archives du pays des Roches, néanmoins, il ne pouvait se permettre d’abandonner pour autant; les informations qu’il recherchait lui tenaient énormément à cœur, et au fond de lui-même, le jeune homme était convaincu qu’il finirait par en trouver.

Le voilà ainsi, marchant à-travers les bois qui jonchent les alentours de Kiri, à la recherche du village caché et de ses archives. Aveuglé par le brouillard qui régnait en maître sur les lieux, le Shinobi s’attendait instinctivement à une rencontre; de la même façon qu’il avait était intercepté lors de sa précédente tentative, un Kirijin devait bien rôder dans les parages afin de guetter l’apparition d’éventuelles menaces. Il marqua un temps d’arrêt. Lentement, le Sunajin leva la tête en direction des cieux, totalement invisibles à ses yeux. Les gouttes d’eau venaient machinalement s’écraser sur son visage, avant de bruyamment s’écrouler sur ses vêtements. Parviendrait-il, cette fois, à son but ? Si le clan Yadomaru n’avait laissé aucune trace dans son pays d’origine, il était peu probable que le contraire ait eu lieu dans les contrées voisines, cependant, l’héritier de la famille ne pouvait en aucun cas désespérer. Il s’agissait d’une étape à laquelle il ne pouvait déroger, quand bien même il devrait pour se faire parcourir les quatre coins du monde ninja.
   

« Y en a marre ! », cria une voix féminine, dissimulée dans la brume.

Les prévisions du Shinobi s’étaient avérées exactes; en route vers le village de Kiri, il était probablement tombé sur l’un de ses occupants. Néanmoins, l’épais brouillard qui régnait sur les bois rendait ce dernier totalement invisible, et malgré un indice sonore révélé de par les mots précédents, Haiko ne put déterminer d’où provenait le cri. Le Sunajin n’avait qu’à hausser la voix afin d’indiquer sa propre position; nul doute qu’un résident du pays de l’Eau ne tarderait pas à le retrouver. Cependant, le jeune homme préféra, cette fois, prendre les devants. Calmement, il joignit les paumes de ses mains, et entama une série de signes. Un puissant courant d’air jaillit soudainement à ses côtés; courant d’air que l’enfant des cendres manipula de sa main droite, afin qu’il tourne tout autour de lui. Bientôt, la brume des environs se dissipa, révélant sa localisation ainsi que les environs.

La technique Fuuton ne suffit toutefois pas à repérer la source sonore. Le ninja disposait d’un champ de vision dégagé, mais celle qui s’y trouvait dissimulée devait probablement se situer dans un endroit discret et couvert; elle montait la garde. Ce n’était pas dans les manières du Juunin des sables d’engager une conversation, mais bon, la situation semblait s’y prêter. Et puis, il fallait bien avouer qu’au sein de la forêt brumeuse, les chemins se ressemblaient à s’y méprendre.

« Je suppose qui si vous êtes ici, c’est que j’approche de Kiri, n’est-ce pas ? », cria-t-il à son tour, bien que la Kirijin devait déjà l’avoir repéré depuis un moment.

Spoiler:

   

Effectivement, le Sunajin avait été repéré. La même voix qui criait auparavant s’éleva à nouveau, demandant des explications au sujet de la venue du ninja en ce lieu. Les paroles de son interlocutrice résonnaient dans ses oreilles, mais il lui était impossible de déterminer d’où elles provenaient; son opposant devait probablement user d’un subterfuge afin de paraître invisible. Le jeune homme pouvait, à tout moment, être la cible d’une attaque, et n’avait guère d’autres choix que de répondre à la question qui lui avait été posée.

« Je suis ici en tant que membre de l’Alliance, et aimerai consulter vos archives dans le cadre de recherches très accessoires. », déclara le Juunin.

Il se tenait immobile, au centre du cercle dessiné par le vent. Nul doute ne faisait que son interlocutrice était méfiante; de la même manière qu’à Iwa, l’enfant des cendres était accueilli à couteaux tirés. La vérité était que l’Alliance n’avait pas enterré les vieilles pratiques des villages cachés; un étranger demeurait un étranger, qu’il fasse, ou non, parti de la grande coalition. Néanmoins, il n’était pas question pour le Shinobi de réitérer les mêmes erreurs qu’au pays des Roches. Il allait s’assurer de ne dégager aucune impression d’hostilité; les armes au fourreau, ainsi souhaitait-il se rendre à Kiri.

La perspective d’une attaque qui pouvait venir à n’importe quel moment n’était toutefois pas des plus rassurantes. Le Kirijin avait à la fois l’avantage du terrain, et de la première attaque; les cartes étaient clairement en sa faveur, aussi demeurait-il hors de question, pour Haiko, de relâcher sa méfiance. Le Yadomaru n’était, certes, pas armé, mais n’en demeurait pas moins prudent.

Une chose était certaine; l’accueil réservé au Juunin à Kiri était bien meilleur que celui d’Iwa. Alors que la tension grimpait considérablement, voilà qu’une paire d’yeux se dessinait dans les fougères, épiant les faits et gestes des deux protagonistes. Le propriétaire de ce regard serait bien demeuré inaperçu si, toutefois, il n’avait pas émis un bruit par inadvertance. Pour Haiko, la situation se gâtait; si la conversation dégénérait, il se retrouverait seul face à deux ninjas. Mais son interlocutrice vint calmer le jeu, ordonnant au mystérieux observateur d’immédiatement sortir de sa cachette. Entre les feuillages, le Sunajin parvint à distinguer le pommeau d’une épée. Un sentiment d’amertume parcourut son corps; s’il s’agissait d’un épéiste, alors les choses empireraient davantage.

Ce moment fut choisi par la voix féminine afin de révéler son apparence. Lentement, une silhouette enfantine se dessina au-dessus d’une flaque d’eau, située à proximité du Yadomaru. Son interlocutrice était une jeune femme, qui ne devait néanmoins pas être sous-estimée; elle était également armée d’une épée. Les reproches qu’elle adressa à l’intrus vinrent toutefois légèrement rassurer le Shinobi des sables; elle se permettait de lui donner des ordres, ce qui signifiait probablement que la personne dans les buissons était d’un grade inférieur au sien. La fille de l’eau semblait accepter la requête de l’enfant des cendres, et souhaitait recueillir l’avis d’autres gardes. Elle ajouta, également, que le sang coulerait en cas de réponse négative, avant de demander au jeune homme de la suivre. Ce dernier passa sa main dans les cheveux, et souria d’un air gêné.

« Très honnêtement, j’espère ne plus être là lorsque ces boyaux, comme vous le dites, virevolteront. », déclara-t-il, d’un ton plein d’ironie.

Le ninja entama la marche, suivant les pas de son interlocutrice. Décidément, les Kirijins savaient s’y faire en matière d’accueil.

Les pas de l’enfant des cendres furent néanmoins éphémères; à peine en fit-il quelques-uns que ces derniers se retrouvèrent entravés. Lorsque le Juunin baissa les yeux, il comprit qu’il était tombé dans un piège. Une sorte de colle extrêmement visqueuse, probablement répandue par la fille sortie de l’eau, gisait au sol, et le Sunajin s’était retrouvé les pieds dedans. La mystérieuse observatrice, qui s’était révélée être une autre jeune fille, éclata de rire avant de disparaître, exécutant les ordres donnés par son supérieur hiérarchique. Haiko n’avait aucune idée de la différence de grade qui existait entre les deux personnes, mais pendant qu’il y réfléchissait, les menaces de sa geôlière s’accentuèrent et se firent plus directes. L’Alliance avait-elle à ce point perdu de son influence, ou bien était-ce plutôt l’arrivée du nouveau Mizukage qui avait instauré ces pratiques ?

L’adolescente, renvoyée par la fille de l’eau, venait de refaire surface. Toujours aussi souriante, elle chuchota quelques mots à l’oreille de la geôlière qui, après coup, s’éloigna afin de s’installer au pied d’un arbre. Les mots que prononça la première épéiste vinrent résonner dans les oreilles du ninja des sables; l’adolescente partie à la rencontre des gardes était chargée de l’abattre. Le jeune homme prit enfin conscience du caractère sérieux des Kirijins. Tant bien que mal, il tenta de faire face à ses adversaires; la poigne exercée par la colle était considérable, cependant, comme l’avait précisé la fille de la flaque d’eau, cela n’allait pas durer bien longtemps. D’un geste rapide, le Juunin fit glisser un parchemin le long de sa manche jusqu’à sa main. Il le déroula brusquement, puis y concentra une petite quantité de chakra afin d’en faire surgir quatre kunaïs, qu’il lança presque instantanément. Deux d’entre eux partirent en direction de la première épéiste, assise au pied de l’arbre, sans toutefois la prendre pour cible. En effet, ces derniers ne visaient que l’arbre derrière elle, et ne souhaitaient agir qu’en tant qu’avertissement.

Les deux autres, eux, se focalisaient sur la jeune fille chargée d’éliminer le Sunajin. Lui-même n’avait aucune idée du niveau de son ennemie, alors mieux valait-il le jauger de par un rapide lancer d’armes. Afin de parfaire son action, le Yadomaru joignit les mains. Un vent très dense se leva alors, avant de se disperser sous la forme de puissants courants d’air, qui transcendèrent littéralement la vitesse des kunaïs. L’adolescente souriante risquait d’avoir du mal à les esquiver; leur vitesse était telle qu’ils en paraissaient presque invisibles.

Spoiler:

L’adolescente fut touchée à deux reprises; une première fois, directement, et une seconde, lorsque l’arme lancée ne fut pas totalement stoppée par la jeune fille. Le Juunin ne put masquer sa déception; neutraliser rapidement l’épéiste lui aurait évité de s’en prendre plus sérieusement à une enfant. Néanmoins, l’attaque du Sunajin ne consistait pas seulement à un test de puissance brute, mais également à une meilleure connaissance de la psychologie de ses adversaires. Le jeune homme n’eut cependant pas le temps d’observer la réaction de sa véritable opposante. À peine les kunaïs fussent-ils parés par la moins gradée, que cette dernière s’élança dans un élan de folie et tenta de le décapiter. Le ninja était immobilisé, mais son adversaire semblait se laisser emporter par la rage; un coup plus bas ne lui aurait laissé aucune possibilité d’esquive. Il n’eut qu’à se baisser pour éviter la lame, qui brassa l’air au-dessus de lui dans un bruissement sourd. Haiko profita de ce moment pour prendre en main un autre kunaï, qu’il avait sur lui depuis son arrivée au pays de l’Eau, avant de se retrouver aspergé par un étrange liquide, émanant de la jeune fille. Il n’eut cependant pas le temps d’y réfléchir davantage, que cette dernière lui lançait une autre arme ninja. L’enfant des cendres put dévier le lancer à l’aide de son propre kunaï, cependant, il ne fit pas assez rapidement pour voir arriver la dernière attaque de son opposante.

En effet, l’adolescente tenta littéralement de déchiqueter le jeune homme, usant de ses ongles comme un félin le ferait avec ses griffes. Les jambes entravées, le Yadomaru ne put que se défendre avec ses bras en opposition, mais l’un des mouvements vint toutefois le lacérer au niveau du visage, sur la joue. La fillette recula. Enfin, le stratège trouvait une occasion de jeter un œil en direction de la fille de l’eau. Il ne put retenir un juron lorsqu’il l’aperçut, terminant une série de signes qui annonçait un danger certain. En un instant, une spirale d’eau jaillit de sa bouche et se dirigea vers le Juunin des sables, à qui il ne restait plus qu’une seule solution s’il ne voulait pas se retrouver noyé. Le Sunajin prit une profonde inspiration, avant de cracher plusieurs lames de vent qu’il contrôla, avec ses mains, afin de les projeter contre la technique de la Kirijin. Si tout se passait bien, ces dernières devraient traverser la spirale, permettant de suffisamment la diviser pour que le jeune homme puisse passer au travers, et les lames continueraient même leur route en direction de l’épéiste. La situation se présentait, certes, mal, mais l’enfant des cendres savait désormais qu’il faisait face à deux adversaires impulsifs et sanguinaires; s’il ne pouvait pas avoir l’avantage sur eux en terme de puissance, il allait devoir tenter de l’emporter par l’esprit. La colle commençait à faiblir, et désormais, ce n’était plus qu’une question de temps avant qu’Haiko recouvre la totalité de ses mouvements.

Spoiler:

Les lames de vent générées par le Juunin vinrent fatalement se heurter à un arbre. Qu’espérait-il ainsi ? Ses adversaires avaient d’énormes avantages, et l’une d’elles semblait d’un niveau équivalent au sien. Le jeune homme eut à peine le temps de se remettre, que l’adolescente destinée à l’abattre reprit son élan. En plantant son arme dans le sol et en s’en servant d’appui, cette dernière parvint à atteindre une vitesse suffisamment importante pour prendre de court le Sunajin. Haiko reçut le coup de plein fouet. Il sentit également la colle qui entourait ses pieds s’étirer légèrement, cependant, il ne put guère en profiter; la Kirijin venait de fermement saisir sa mâchoire. Les réserves de chakra de l’enfant des cendres s’amenuisaient, et la situation semblait presque désespérée. Il ne lui fallait qu’une occasion pour se défaire de ses entraves, néanmoins, ses opposantes ne paraissaient pas prêtes à lui laisser cette opportunité. Alors que la jeune fille se retirait, s’avérant à la fois provoquante et réfléchie, elle joignit ses mains afin de préparer une technique. Des flammes jaillirent soudainement de sa bouche; le Shinobi des sables  repensa subitement au liquide qui s’était répandu sur ses vêtements, mais le fit trop tard. Ni une, ni deux, sa parure prit feu.

Instinctivement, le Yadomaru se sépara de ses habits, se retrouvant ainsi dans une tenue plus légère et d’un noir uni. D’un bref coup d’œil par-dessus son manteau, qui s’embrasait peu-à-peu dans les airs, il aperçut ses deux adversaires en pleine conversation. S’il devait y avoir un moment propice à la libération du ninja, il s’agissait probablement de cet instant présent. Cependant, les espoirs du jeune homme furent vite réduits à néant. Instantanément, la fille de l’eau surgit et déposa son épée sous la gorge du Juunin; elle avait probablement profité du chaos pour utiliser une technique de clonage, voire d’illusion. Le combat semblait se tourner vers sa fin.

« Je suppose que c’est terminé. Ma foi, j’aurai au moins tenté l’impossible. », déclara le Sunajin, désemparé.

Il tenait toujours fermement son kunaï dans la main, mais dans une telle situation, cette arme ne rayonnait que de par son inutilité. Lentement, l’enfant des cendres desserra sa poigne, laissant l’outil tomber au sol et s’enfoncer dans la colle.

« Fais ce que tu veux de moi, Kirijin, mon destin repose désormais entre tes mains », affirma-t-il, les bras le long du corps, attendant désespérément la décision de son interlocutrice.      

Le Juunin était-il ainsi prêt à laisser ses espoirs disparaître en même temps que lui ? En un instant, la perspective d’un avenir radieux pour son clan fut anéantie, embourbée dans la colle que constituait ce piège banal, dans lequel le Shinobi était bêtement tombé. Il avait renoncé, surestimé l’Alliance dans ses relations diplomatiques, et accepté son destin, placé entre les mains de la fille de l’eau. Quelle ne fut pas la surprise du Yadomaru lorsqu’il aperçut les mains de l’adolescente, s’interposant entre lui et son potentiel bourreau. Que pouvait justifier un tel changement de comportement ? Ce n’était qu’une impression, mais le regard de la jeune fille semblait changé, d’une teinte différente de la première fois où il avait croisé le sien. Quoi qu’il en fut, Haiko ne vit dans cette situation qu’une opportunité; un Kirijin, faisant directement face à son frère d’armes, ainsi que le liquide collant qui faiblissait lui auraient, probablement, permis de prendre la fuite. S’il ne le fit toutefois pas, ce ne fut qu’après avoir, une dernière fois, fixé l’épéiste issue de la flaque d’eau. Elle, qui jouissait d’un droit de vie et de mort sur la personne du Sunajin, décida de rengainer son arme. L’intervention de la jeune fille semblait l’avoir perturbé, à tel point qu’elle renonça à la passion sanguinaire qui semblait l’habiter, non sans préciser, cependant, qu’elle en tirait une dette importante.

La brume se referma sur elle-même, enveloppant, par la même occasion, la silhouette de l’épéiste. L’enfant des cendres se retrouvait seul, en tête-à-tête avec celle qui avait autant attenté à sa vie que sauvé cette dernière. Il n’avait pas pour habitude de remercier les gens; lorsque Kaede l’avait opéré et sauvé de l’emprise de ses blessures, le jeune homme avait préféré fuir durant son sommeil, évitant ainsi la traditionnelle étape des remerciements. Toutefois, il ne pouvait, aujourd’hui, y faire exception.

« J’imagine que je dois te remercier. », déclara-t-il en fixant les yeux jaunes de l’adolescente.

Lentement, le ninja des sables souleva le genou droit. La colle s’étira un moment sous ses semelles, puis se rompit. Il concentra alors une légère quantité de chakra dans ses pieds, avant de les reposer un-à-un au sol. De la même manière que sur l’eau, le chakra agissait en séparant les pieds de la matière; ainsi, le Juunin pouvait aisément se déplacer à-travers la surface collante. Il jeta un regard en direction de l’arbre où s’étaient plantés ses précédents kunaïs.

« Je suis désolé pour tes blessures, j’étais persuadé que tu voulais ma mort. », s’excusa le Yadomaru.

Il n’avait, certes, pas visé les points vitaux de la jeune fille, mais ses intentions étaient bien réelles. Néanmoins, le comportement de l’adolescente n’en demeurait pas moins étrange. Ce dernier s’était, en un instant, retrouvé complètement changé. Le Sunajin n’en était pas certain, mais d’une certaine manière, il restait convaincu que les yeux de son assaillante jouaient un certain rôle au sein de ce mystère.