« Chu' ? » La demoiselle chuchotait d'un ton à peine audible, elle observa brièvement son interlocuteur du coin de l’œil. La jeune femme constata qu'il était bien trop concentré sur la scène qui se déroulait devant eux. Elle répéta un peu plus fort, lui donnant un petit coup de coude au passage. « Chu', tu sais d'où ils viennent ? Et ils cherchent quoi à ton avis ? » Le blondinet détacha ses yeux du groupe de ninjas autour de leur feu de camp pour observer sa partenaire. « Iwa. Sûrement la même chose que nous. » Chubei s'exprimait à voix basse, ne désirant pas spécialement se faire surprendre ici par les shinobi d'un autre village. Aussi silencieusement que possible, il quitta la branche d'arbre qui lui servait de cachette pour sauter sur le sol. « On s'en va. » Sa partenaire l'avait regardé d'un air curieux avant de le rejoindre. Elle ajoutait ensuite, sur un ton agacé. « On aurait dû rester, au moins pour les écouter ! » « Pour se faire repérer, accuser d'espionnage et tuer ? J'adore ton plan. » L'artiste avait répondu spontanément, sur un ton sarcastique. Il se mit rapidement à courir, prenant la direction de sa patrie. Il lui arrivait encore de se demander pourquoi il acceptait ce genre de missions. Les souvenirs commençaient alors à refaire surface, le plongeant dans un mutisme qui le caractérisait si bien.

Tout d'abord, plus d'une année et demie auparavant, le blondinet s'était rendu sur les ruines du village caché de la foudre. Il lui avait fallu constater les dégâts et estimer le temps que prendrait la reconstruction de Kumo. Les militaires du pays, les survivants, auraient sûrement quelques difficultés à tout arranger eux-mêmes. Pourtant, il n'avait jamais vraiment été question d'aide. Les ordres de Suna étaient clairs, Chubei devait se contenter d'observer et faire un rapport sur l'avancée des travaux. Au départ, cette mission lui semblait plus gratifiante que l'invasion d'un territoire étranger. Il fallait avouer que le départ de nombreux camarades pour Kaiju no Tairiku ne l'enchantait guère. Selon lui, l'Alliance se devait d'aider ses compagnons avant de provoquer un nouveau conflit. Les ninjas préféraient pourtant souiller leurs mains du sang ennemi. Quand commenceraient-ils à comprendre leurs erreurs ? C'était la question qu'il s'était posée alors qu'il espionnait un groupe de kumojins en pleine construction d'une demeure toute neuve pour l'ombre de la foudre.

Lorsque le marionnettiste avait fait son rapport, il avait mis ses sentiments de côté. On lui avait appris que tout bon shinobi devait faire preuve de retenue et ne pas prendre ses propres émotions en compte. Il n'explosa pas de colère quand les membres du conseil décidèrent d'envoyer une aide totalement dérisoire et insultante au Raikage. Le jeune homme n'avait pas cillé et s'était contenté de se porter volontaire pour cette mission. Aux côtés de quelques compagnons, il avait fait de son mieux pour participer aux travaux de réparation. Malheureusement, la bataille sur les terres lointaines tourna au drame. Chubei dut contenir sa frustration lorsque les troupes de secours pour Kumo furent rappelées aux pays du vent. Sur l'autre continent, le conflit avait fait rage et un nouveau massacre s'était déroulé dans l'ombre des cinq grandes nations. Le fléau Uchiha Madara avait une fois de plus frappé, malmenant encore le monde par un carnage au moins aussi douloureux que la précédente guerre.

De nouveau, le doute s'installa entre les puissances alliées et Iwa ne tardera pas à attirer les soupçons. L'artiste ignorait si le village caché de la roche était vraiment responsable. Pour dire vrai, il jugeait que l'ancien Tsuchikage avait pris une mesure radicale, mais nécessaire, en faisant appel au chef déchu du clan de l'éventail. La situation s'était envenimée, mais fallait-il vraiment imputer la faute à Iwa ? La mort de leur leader ne lavait-elle pas ce supposé crime de trahison ? Encore une fois, Chubei n'avait pas eu le courage de s'élever au-dessus des autres pour partager son avis. Il avait gardé le silence jusqu'à ne plus pouvoir se regarder dans un miroir. Le jeune homme se sentait creux, comme s'il abandonnait ses plus importantes convictions. Pour combler ce vide naissant, le blondinet commença à s'intéresser à l'histoire du monde shinobi. Il se rendit fréquemment à la bibliothèque du village, y étudiant les archives et un nombre incalculable de parchemins historiques. À cette époque Gaara fut convoqué au pays du fer pour un nouveau sommet. Beaucoup suspectaient une conclusion à cette alliance éphémère, mais tous furent sous le choc lorsque le kazekage en fit officiellement l'annonce.

Durant de nombreux jours, Chubei ne quitta pas son atelier, méditant sur la situation et l'avenir de ce monde. Il ne faisait aucun doute que chaque nation en ressortait affaiblie et démunie. Malgré cela, la terre continuait de tourner. Isolé au beau milieu d'une gigantesque mer de sable, le village caché connaissait une période d'accalmie qui s'étendait à l'ensemble de la nation. Ailleurs, d'anciennes menaces refaisaient ainsi surface, profitant de la faiblesse de chacun pour semer le chaos. Konoha, en bons termes avec Suna, fut victime des plans sournois d'Orochimaru tandis que Kiri subissait de nouveau le courroux d'Uchiha Madara. Après ces événements et de nombreuses semaines d'études, le marionnettiste en vint à la conclusion qu'une nouvelle ère de troubles s'annonçait. Le blondinet avait alors pris son courage à deux mains, faisant vivement irruption dans le bureau de l'ombre du vent. Après s'être contenu aussi longtemps,  il partagea spontanément son avis. Il estimait que sa patrie ne pouvait plus fermer les yeux quant au véritable problème, celui qui mit fin à l'alliance. Les cinq grandes nations n'apportaient pas véritablement d'attention à leurs camarades, le sort réservé à Kumo en était une preuve flagrante.

La discussion entre Gaara et Chubei s’amorçait alors sur une idée commune, il fallait s'ouvrir au monde et s'intéresser à la cause de chacun. D'une certaine manière, cela permettait de faire face à de potentielles menaces, mais aussi de tisser de solides liens. Pour conserver la paix, il fallait démontrer que le village caché du sable possédait la puissance nécessaire pour gagner une guerre, mais que ses dirigeants préféraient la consacrer au maintien de l'ordre. Le blondinet avait alors commencé à évoquer le sujet des bijuus en liberté, proclamant que même si le pays ne les utilisait pas, il convenait d'entamer des recherches. D'une certaine façon, connaître leur position permettait de s'assurer qu'aucun autre village ne tente de s'en servir comme des armes. L'artiste se surprit à penser que ces créatures pouvaient véritablement se montrer intelligentes, peut-être même étaient-elles dotées de sentiments ? Les hôtes de Kyuubi et Hachibi semblaient profondément y croire et ils fréquentaient sûrement les démons plus que quiconque.  

La conversation s'était achevée sur ce sujet et le shinobi avait regagné son atelier. Il pouvait de nouveau se regarder en face. Suite à cela, Chubei intégra l'unité de recherche des bijuus en tant que simple membre. Même si les ninjas ne trouvaient que très peu de pistes, le blondinet s'épanouissait au sein de cette équipe. Au fil des mois, il s'affirmait, sortant parfois de sa timidité pour défendre la cause des bêtes. Le marionnettiste avait choisi de suivre le chemin de la bonté et refusait littéralement de les traquer violemment. Au fil des missions, il sut se montrer digne de confiance et le kazekage le nomma chef d'équipe. Aux yeux du shinobi, cette unité consistait plus particulièrement à empêcher les personnes mal intentionnées de s'approprier ces créatures de chakra.

L'interlude nostalgique se stoppa brusquement lorsque le ninja de Suna percuta la racine d'un arbre. Genoux à terre, il observait les environs. Les troncs étaient profondément ancrés dans le sol et rien n'en dépassait. Akisa lui tendait à présent la main, un sourire taquin aux lèvres. Il ne fallut que peu de temps à Chubei pour comprendre que sa partenaire venait de lui faire un croche-pied. Il saisissait tout de même sa main pour se relever. « Tu devrais être moins distrait Chu' ! » Elle entame de nouveau sa course, ne prenant même pas la peine de masquer son rire moqueur. L'artiste sourit puis avança à son tour, suivant sa route. Cette situation n'était pas si mal finalement.