Un bruit sourd résonna alors que j’atterris en dehors du combat, un jeune ninja à ma charge contre mon épaule. Il avait perdu connaissance sur le coup, le pauvre, il n’a jamais vu venir le piège. Heureusement, mes sens en alertes m’ont permis d’éviter l’embuscade sans encombre et j’ai mis hors d’état de nuire deux de nos assaillants, laissant le dernier à mon troisième équipier. Il devrait parvenir à s’en défaire sans trop de mal. Des brigands qui ont tentés de nous barrer la route en direction d’un village portier d’une des îles les plus éloignées de Kiri, mais appartenant au pays de l’eau, je me demande d’ailleurs ce qu’ils veulent bien. Je déposai d’un mouvement doux Akitsu au sol. Il me fallait le stabiliser rapidement avant que son état ne s’aggrave. Alors que mes mains s’activèrent au-dessus de lui, s’illuminant de cette lueur verte bien caractéristique des Eisei-nin, les souvenirs de la guerre me reviennent en mémoire. Il me semble que c’était encore hier qu’elle faisait rage sur nos contrées, comme si les cicatrices qu’elle a laissé ne s’étaient pas réellement refermées. Combien de personnes ne suis-je pas parvenues à sauver pour être arrivée un peu trop tard ? Ou pour avoir succombé à l’hésitation l’espace d’une simple seconde ? L’effet que le stress peut avoir dans ces moments est immense et dépasse même parfois l’esprit de ceux qui croient y être préparés. Moi qui aie vu la mort frappée plus d’une fois à ma porte, pourquoi avoir flanchée au moment où on avait le plus besoin de moi ? Certes, je ne peux me tenir responsable de ces morts, ce n’est pas moi qui les aie causés, mais je me sens responsable de tous ceux que j’aurais pu sauver, mais que je n’ai pas pu. Au vue de mon âge et de mes connaissances en la matière, c’était de mon devoir d’être parmi la tête des médecins et de guider les équipes à travers le champ de bataille, de leur venir en aide en cas de problème, d’être partout à la fois, même si au fond, c’était plutôt impossible. J’ai fait tout mon possible, mais ce n’était pas assez, il m’aurait fallu faire plus, dépasser mes limites. Quand on a trop perdu, on ne supporte plus de laisser les autres partir sans ne rien dire.

Akitsu semblait paisible, fragile alors que je finissais de le stabiliser et entamais une guérison plus poussée. C’était étrange de constatée ce côté si vulnérable lorsque quelqu’un dormait ou était inconscient. Fort heureusement, je n’étais pas de ceux qui prenaient plaisir à faire du mal à ceux en état de faiblesse, mais plutôt de ceux qui en prenaient soin et veillaient sur eux. Pourtant, c’était cet instant qui changeait tout, ce moment où l’on pouvait avoir le droit de vie et de mort sur cette personne qui remettait entre nos mains son destin. C’était pour cette raison que j’étais toujours fébrile lorsque venait le temps de soigner. Le moindre faux geste, la moindre erreur pouvait être fatale. Et je représentais ce seul espoir auquel le blessé pouvait s’accrocher, celle qui le maintiendrait sur le fil précaire de la vie ou qui le ferait plonger vers sa mort. C’était dur d’assumer le deuxième choix lorsqu’il se présentait, quand on sait que si on avait fait autrement, peut-être que notre patient aurait survécu. « Allez, tiens, bon, c’est presque terminé. » Akitsu ne se réveillerait sûrement pas avant un bon moment, mais ce n’était pas trop grave, car au loin, les bruits de combat s’étaient estompés. Mon équipier reviendrait sûrement sous peu me rejoindre et nous trouverions un abri pour la nuit. Tout du moins, c’était ce que je croyais. Alors que toute ma concentration était portée sur mon équipier évanouis, j’aperçus un mouvement du coin de l’œil. Mes yeux s’agrandirent d’un coup lorsque je vis rouler le corps de mon troisième partenaire, inconscient. Retenant ma respiration, mon cœur accéléra soudainement sous le coup de l’adrénaline. Entre deux battements de cils, pourtant, même si tous mes sens étaient sollicités à l’instant présents, mon corps n’avait pas les capacités d’éviter ce qui allait suivre. Sortant d’entre les arbres qui s’écroulèrent sur son passage, des lames de vent vinrent pour balayer ma position. En réalité, j’étais à peu près certaine de pouvoir me remettre du coup grâce à mon iroujutsu, mais mes deux équipiers seraient découpés dans le sillage. Comme c’était facile de s’en prendre à un médecin alors qu’il était en train de soigner… Un peu avant que l’impact ne vienne, je pus constater que les brigands que l’on avait croisés avaient reçu des renforts, ils étaient maintenant quatre et les deux que j’avais mis hors combat ne semblaient pas présents. Mon seul réflexe fut de me pencher vers le corps d’Akitsu, si au moins je pouvais le préserver d’une majorité des dégâts, ce sera ça de bien. Mais c’était tout dans leur intérêt, à ces nukenins, de faire en sorte que je ne me relèverais pas. Car si un de mes équipiers mourraient à cause d’eux, ils ne repartiraient pas indemne de ces lieux. Mes yeux se fermèrent, attendant l’impact… pourtant, il ne vint pas.

L’impact aurait dû avoir lieu, pourtant, ce ne fut pas le cas. Mon corps ne fut pas lacéré sous les lames de vent, même si je sentis une rafale balayé la zone où je me tenais. Penchée par devant, il me fallut un temps pour réaliser la situation et reprendre suffisamment mes esprits pour trouver le courage de me retourner, car, bien que je ne fusse pas prodiguée de capacité sensorielle, mes sens avaient parfaitement ressentis l’immense source de chakra qui s’était soudainement dégagée juste derrière moi. Ce n’était pas non la peur qui me retenait à l’instant présent, il y avait bien longtemps que ce sentiment ne m’empêchait plus de pouvoir bouger et agir convenablement, mais la surprise. Et elle fut plus grande encore lorsque je parvins à faire un mouvement pour me détourner du corps d’Akitsu toujours allongé là, paisible. Il ne se rendait même pas compte de ce qui avait lieu en ce moment et qu’il devait la vie à une personne dont j’aurai tôt fait de découvrir l’identité. Mes yeux se posèrent alors sur une silhouette immense composée uniquement de chakra, si grande qu’il me fallut redresser la tête pour l’observer en entier. De si près, je pris un moment à réaliser que je l’avais déjà vu quelque part, durant la guerre, lors de cette bataille finale. En regardant bien à travers cette armure, j’aperçus un jeune homme à la chevelure d’ébène…. Était-ce lui ? Ce garçon qui il y a un peu plus de deux ans avait porté une attaque contre le village de Kiri et qui avait mis à mal notre Mizukage… Immobile, je pus constater à travers cette armure que les arbres brûlaient d’un feu noir…. Il…. Il venait de tuer mes ennemis ? Je savais bien sûr que depuis la guerre, il avait changé, en quelque sorte, aidant l’Alliance à se débarrasser de l’homme au masque et rétablissant la paix, mais jamais il ne me serait venu à l’esprit que l’Uchiha puisse décider de prendre la défense de Kirijins, surtout de manière aussi délibérée. Il l’avait voulu, oui, car il s’était interposé pour encaisser l’attaque. Je lui étais reconnaissante de son geste, mais ma surprise ne se cachait sans doute pas. Me faisant dos, je ne parvenais à pas voir son visage, son expression, ce ne fut que lorsqu’il se retourna et qu’il désactiva son armure que je pus voir ses traits de porcelaine et son regard d’ébène.

Mes yeux l’observèrent un moment, mais sans doute contre toute attente pour lui, il n’y avait pas de haine ou de colère sur mon faciès. Ni même tout autre signe d’hostilité à son égard, j’étais tout simplement surprise. Néanmoins, rapidement, mon esprit se ressaisit alors que la voix de Sasuke résonna, grave et étrangement détachée. Quelque chose me disait qu’il me demandait si ça allait simplement par convention, par politesse, mais que ça ne lui faisait rien vraiment. De toute manière, je n’avais rien. Hochant doucement la tête d’un geste affirmatif, alors que mon attention se pose à nouveau sur Akitsu, je vérifie une dernière fois que tout est en ordre pour lui. « Oui…. merci… » Ma voix retentit, douce en contraste avec celle de l’ébène, presque apaisante. Plaçant mon équipier dans une meilleure position, je me redresse enfin, époussetant un peu mes vêtements avant de me diriger vers le second Kirijin évanouis plus loin. Mon bras se glissa sous les épaules du blessé pour le soulever sans réelle difficulté, pour le déplacer à côté d’Aki. En toute honnêteté, je ne sais simplement pas quoi dire à part merci… Bien sûr, je pourrais bien lui demander pourquoi il a fait ça, mais quelque chose m’en empêche et j’ignore pourquoi. « Ton geste est apprécié… » Fut tout ce que je sus dire avant de me pencher sur mon deuxième blessé. Mes mains s’illuminèrent à nouveau d’une lueur verte, alors que je m’évertuais à guérir les blessures qui l’affligeaient. Bien que son état ne m’alarmait pas, je ne voulais pas le laisser s’aggraver non plus. À l’instant présent, mes yeux n’étaient pas posés sur l’Uchiha, même si mon attention lui était portée en partie, signifiant que je lui accordais suffisamment de confiance pour penser qu’il ne ferait rien contre moi pendant que je guérissais mon allié. Allait-il partir sans rien ajouter de plus ? Ou resterait-il quand même ? Le garçon m’intriguait, c’est vrai. Qu’est-ce qui marquait à ce point son cœur pour qu’il semble si froid ? Sans doute ce cœur trop maternel qu’est le mien de ne pas supporter de voir un enfant si jeune marquer par tant d’expériences. On n’a pas le temps de vivre sa jeunesse que déjà il faut être adulte…