La Saint-Valentin, fête de l’amour et des sentiments. Les sentiments, Haiko n’a jamais eu trop le temps d’en développer; diplômé dès son jeune âge, le Sunajin avait accordé une certaine priorité à ses études, ainsi qu’au respect de son nindo, et ce au détriment de toute forme de vie sociale. Uniquement attaché à sa défunte tante, le Juunin ne s’était jamais préoccupé d’un tel événement, et le jour arrivant en cette année ne fit pas exception. Le bruit régnait dans les rues de Suna, véhiculé par les pas précipités de quelques maris aimants, soucieux de trouver quelques plantes attirantes avant de rentrer au domicile conjugal. Face à ce tumulte, l’enfant des cendres s’était laissé porter par ses habitudes, et avait trouvé refuge au sein de la bibliothèque du village. Le nez enfoui dans une pile d’ouvrages, le jeune homme pouvait, le temps d’un instant, oublier toute la solitude qui l’entourait. Il ne pouvait alors se douter de ce qui se trouverait sous ses yeux une fois qu’il les relèverait. Son regard déviait de gauche à droite, chutant au rythme des lignes qui parsemaient les écrits, puis le ninja ferma le livre qu’il avait sélectionné, heureux de toutes ces connaissances assimilées. Toutefois, ses pupilles se stoppèrent net une fois délivrées de leur centre d’intérêt.
Face au membre du clan Yadomaru, assise à une table à quelques mètres, se tenait une jeune femme radieuse, plongée, parallèlement, dans son propre ouvrage. Elle était brune, d’un regard noisette, voilé par une très fine paire de lunettes. Sa peau, légèrement hâlée sous l’effet des puissants rayons de soleil du pays du vent, et l’aura de sérénité qui l’entourait, devaient probablement susciter l’émotion auprès de bon nombre d’hommes. Lorsqu’elle leva les yeux dans un élan de charme, son regard croisa celui de Haiko, dans lequel elle vint subitement se figer. Les deux êtres se dévisagèrent mutuellement, installés à leurs tables respectives. Une minute s’écoula, puis deux, mais les regards ne se détournèrent pas. Le cœur du jeune Juunin commença lentement à s’emballer, tandis que de nombreuses questions fusaient dans son esprit. La paume de sa main, posée sur un livre fraîchement terminé, se mit soudainement à trembler sous l’effet d’une profonde timidité. Cependant, malgré toutes ses réserves, le ninja devait agir.
Courageusement, le Sunajin se leva, calmement, respectueux du lieu saint dans lequel il se tenait. Il avança pas à pas, silencieusement, en direction de la curieuse lectrice, qui n’avait de cesse de l’épier. La tension était presque palpable, voire insoutenable lorsque l’enfant des cendres arriva devant l’objet de ses désirs. La belle brune en déposa son livre, mais fut subitement surprise par un contact avec les doigts du jeune homme, sur les siens, eux-mêmes posés sur l’œuvre. L’homme brisa alors le silence :
« Dis-moi… », chuchota-t-il à l’oreille de celle qui lui faisait face depuis un moment, « Tu en as bientôt terminé avec ce livre ? J’aimerais beaucoup te l’emprunter. »
Les yeux de la fille s’écarquillèrent, dans un sentiment qui mêlait visiblement la déception et la surprise. Elle balbutia une réponse à peine audible, à la suite de laquelle le membre du clan Yadomaru s’empara de l’ouvrage.
« Merci ! », souffla-t-il en s’éloignant, regagnant, dans le même calme qu’à l’aller, la place qu’il avait occupé jusqu’à maintenant.
La brune réajusta ses lunettes, puis observa fixement son curieux interlocuteur. Qu’était-il, au juste ? Elle demeura immobile, une dizaine de minutes durant, tandis que Haiko entamait langoureusement ses lectures. L’amour, le Juunin était encore bien loin d’en ressentir le besoin.